Dans les nombreux contempl’actifs que vous allez rencontrer, certains sont des amis, d’autres sont le résultat de la Providence.
Nous parlions avec mes parents, des fleurs. Il existe des endroits où nous récoltons nous-même nos légumes, qu’en est-il des fleurs en Anjou ? On s’est rappelés être souvent passés devant une roseraie, au bord de Loire. Curieux, mes parents ont été rencontrés Virginie et Mickaël sur leur exploitation. A leur retour, ils rayonnaient et m’ont dit « Camille, il FAUT que tu rencontres Virginie, c’est quelqu’un d’exceptionnel ». Ils m’ont parlé de sa foi, de ses fleurs... autant vous dire que j’ai très vite été curieuse et convaincue !
Après une première brève rencontre, nous nous sommes fixés un rendez-vous. C’était un mercredi, le soleil était au beau fixe, la Loire rayonnait. C’est sur une table au coin de sa boutique (en vente directe) autour d’un thé, que Virginie m’accueille. Son temps lui est précieux, nous serons souvent interrompus par des clients ; je dois dire que cette jeune femme est d’une douceur et gentillesse dont ses clients peuvent témoigner.
Je me suis trouvée très vite passionnée par notre entretien, d’autant que la Terre nous unit toute les deux. Dans cette retranscription commentée, vous trouverez cinq thèmes : leur histoire, la culture responsable, poser une intention dans les gestes, avoir la Foi et enfin le carême.
Son histoire.
Avant j’étais dans le commerce international. Et c’était quelque chose où je ne me retrouvais pas. Je faisais aussi les marchés pour un producteur de fleurs bios mayennais. J’ai rencontré Mickaël sur le marché du Mans, la place des jacobins, en bas de la fabuleuse cathédrale. Cette même année, mon père est décédé rapidement d’un cancer, à cause des pesticides. C’est là où j’ai souhaité me remettre en question, à me dire que je ne peux pas continuer à faire le métier que je fais sans qu’il y ait de sens et que j’apporte au vivant. C’est comme si je m’étais éloignée de ce que je devais faire, et avec cet événement là il y a quelque chose qui m’a ramené vers quelque chose de plus juste.
Mickaël est issu de trois générations d’horticulteurs/maraîchers. Initialement son grand père était maraîcher, mais un jour il a amené des dahlias au marché juste comme ça en plus ! Les gens avaient trouvé ça tellement beau qu’après il s’est mis à cultiver plus de fleurs.
Ses enfants, fils et filles ont monté leur affaire, donc tout le monde est désormais horticulteur dans la famille. Avant qu’on s’associe, Mickaël avait déjà racheté cette entreprise. Il l’a appelée « Roses de Loire » car initialement c’était une roseraie. L’ancien rosiériste faisait de la rose fleur coupée à longueur d’année. Il chauffait, il éclairait, il traitait dans des serres...
La culture responsable.
Mickaël s’est alors dit qu’il n’allait pas ni chauffer ni éclairer les serres. Mais il a mis du temps avant d’arrêter le traitement chimique de synthèse pour les roses... Il se disait que son travail était de cultiver, pas de traiter. Il a donc apporté d’autres cultures qui ne nécessitent aucun traitement de synthèse.
On s’est questionnés sur le label bio aussi. On a rencontré des agriculteurs bio du GABBANJOU (Groupement d’agriculteurs bio d’Anjou). C’était top, on est collègues et on ne se fait pas d’ombre. On est là pour travailler les uns avec les autres. On se donne des conseils, on s’entraide, on est main dans la main. C’est là où je trouve que ça se rapproche facilement de la foi. Quand on a foi en Dieu, on croit en ce qu’il y a de meilleur en l’humain, en cette capacité à aller vers l’autre et à l’aider. Ces gens-là, ils ne sont peut-être pas cathos, on s’est pas posés la question ! Mais c’est la Terre qui nous réunit tous.
Dans l’idée on a voulu se lancer dans le bio, la coordinatrice est restée étudier toute une matinée notre exploitation. Elle nous a dit que quand on sera prêts, on pourrait lancer les démarches parce qu’on était éligibles. Il faut 3 années de conversion pour passer en bio. Mais on a eu tant de choses à gérer qu’on a pas encore pensé à ça, on verra dans les mois à venir... Chaque chose en son temps !
On ne peut donc pas prétendre à être bio même si tout l’est dans notre façon de cultiver. Mais on dit qu’on est dans du 0 traitement.
On peut éventuellement apporter un traitement naturel mais on va être surtout dans la prévention.
Dans la boutique, on vend nos fleurs, nos légumes mais il y a aussi des légumes qui ne sont pas les nôtres. Ils viennent de la région, d’une zone géographe de max soixante kilomètres. Ce maraîcher est proche de Cholet, on sait qu’il y a d’autres maraîchers plus proches, mais on reste avec lui. Déjà parce qu’il est régulier et nous faisons le marché avec lui. En plus, on est sûrs de la façon dont il travaille donc on est sûrs de ses produits.
On connait aussi des producteurs qui ne sont pas pour le AB (sigle de l’Agriculture Biologique). Mais c’est intéressant tout de même niveau visibilité et communication. On sait que si on passe en bio, on ne va rien changer à ce qu’on fait ! Mais je comprends que certaines personnes n’arrivent pas, ou ne veulent pas, prendre le temps d’aller échanger avec les producteurs ! Ça regarde chacun.
Donc ils ont besoin d’avoir ces logos pour y croire, pour avoir confiance en nos produits.
Après, j’aime beaucoup montrer mon travail. Si une cliente me dit « oh j’aimerai bien voir comment vous travailler », bah si j’ai un peu de temps et si qu’il n’y a personne à la boutique, je lui montre ! C’est un gage de confiance de montrer ce qu’il se passe dans notre production !
Poser une intention.
Je travaille avec du vivant, la terre est vivante et j’ai du respect pour ça. Le touché que je vais apporter quand je vais cueillir, je ne vais jamais l’apporter quand je suis en colère. Je vais toujours être dans une émotion positive et dans une approche saine. Je vais facilement parler à mes fleurs, parler même à mes plantes. Parce que c’est du vivant.
Il y a une expérience japonaise qui montre l’importance de la bienveillance avec la terre. Dans deux pots, un chercheur a mis du riz. Le même riz ! A un pot, il a parlé vraiment de manière douce et gentille, bienveillante. Et l’autre, il lui a envoyé toutes les atrocités du monde. Hé bien le riz du pot à qui on a envoyé des atrocités, il est devenu noir. Et l’autre il est resté sain. Alors partant de ce principe là... je parle à mes fleurs.
Le but est de comprendre qu’il faut toujours poser une intention dans nos gestes. Gamine, j’étais à faire des petits bouquets. Je me revois en balade dominicale avec les parents, la famille. Je faisais ça dans l’intention de faire quelque chose de bien et de faire plaisir. Je prenais quelques feuilles, quelques fleurettes... Bon c’était pas des supers bouquets mais l’intention était là et je le faisais vraiment avec le cœur. Ici c’est la même chose, sauf que c’est à plus grande échelle puisque c’est à titre professionnel, mais ça reste du vivant. Je prends soin de mes petites fleurs, je trouve ça important. Elles sont vivantes, elles n’ont juste pas la parole.
On a donc un rôle important ici. On produit certains produits, et d’autres on va les recevoir, comme par exemple les rosiers que je reçois en racines nues de Doué (49). Donc là j’ai tendance à dire que je suis une nourrice, c’est-à-dire que je vais les recevoir, je vais les replanter donc je vais les aider à grandir en fait. Ils sont déjà nés mais je vais m’en occuper, un peu comme moi je confie mon fils à une nourrice pour pouvoir travailler. Donc quand les gens nous demandent « c’est vous qui les faites les rosiers » j’ai envie de dire « bah pas tout à fait, mais un peu ».
Quand on pose une intention sur ce qu’on fait, ça change la démarche. Si tu désherbes en râlant et en te disant « j’aime pas désherber » c’est différent de si tu te dis « je désherbe parce que je sais que ça fait du bien à ma plantation », tu y vas avec un autre entrain. Enfin moi je trouve ça chouette. Tous les matins je me lève en me disant que je suis heureuse d’ouvrir les yeux et que j’ai de la chance de faire ce que je fais.
Avoir la Foi.
On croit tous en quelque chose, quel qu’il soit, et ça nous relit. Quoi qu’il arrive, à la fin de la journée on est tous citoyens de la terre. Depuis que mon père est parti (physiquement), je sens qu’il est partout et nulle part. Il s’est incarné dans chaque souffle de vent. Avec ma sœur, on se sent soutenues. Ça ne s’explique pas, c’est un ressenti. La nature est un vecteur pour rester en lien. Mon père d’une certaine manière, c’est comme s’il était revenu aux éléments de la terre. Il est partout, dans l’infiniment petit. On redevient poussière. Mais je crois, et je trouve ça réconfortant, ça éloigne la peur qu’on peut avoir de la mort. C’est confortable de croire. Ça donne du sens.
Il faut vivre avec de l’espoir et pas de la tristesse ! Quand tu as des grands moments difficiles de ta vie (perte d’un proche, d’un emploi, conditions climatiques qui font que dans certains pays c’est compliqué), je ne comprends pas qu’on ne puisse pas croire. Je ne dis pas tout le temps, mais ne serait qu’un moment croire en quelque chose. On a toujours un minimum de fois, peut-être pas toute sa vie, peut-être pas toujours au même niveau ni de manière régulière, mais on croit. Je ne sais pas comment j’aurai pu tenir quand mon père est parti si je n’avais pas eu la foi. J’ai tellement prié... ça a amené une dimension limite joyeuse le jour de la cérémonie de son enterrement. Parce qu’on avait préparé, on avait voulu qu’elle soit joyeuse parce lui était quelqu’un de joyeux. Les textes qu’on a choisis, écrits ou chantés en famille... On a eu des échos nous disant que c’était une messe joyeuse. J’ai vraiment le ressenti que la foi et lui nous ont porté.
C’est vrai que chez nous en France, la mort est triste. Et la manière de la célébrer est très triste. Si tu vas dans d’autres pays (Inde, Afrique dans certaines tribus), ils vont faire la fête ! Ils vont accompagner l’âme de la personne à aller de l’autre côté, donc ils ne vont pas y aller en pleurant. Mais je comprends, hein… Qu’est-ce que c’est dur de perdre quelqu’un qu’on aime ! Il faut faire vivre sa mémoire, ne pas se morfondre, même si parfois j’y pense et je suis un peu triste.
Le carême.
Alors mettre du lien avec le carême et nous... J’ai du mal à en voir. On en est arrivés à se dire que le carême c’est une période où on jeûne, de pénitence ; Moi je vois ça comme une purification. Est-ce que dans notre travail on est dans cette période-là ? Bah pas tout à fait. Parce que tu vois tout commence à bourgeonner cette année. C’est très joli, mais les choses évoluent tellement que la période de jeûne pour la terre était il y a quelques semaines. Maintenant on est déjà dans la renaissance. Le climat a changé, l’hiver n’a pas été glorieux, pas standard. Il aurait fallu un hiver froid et sec, ça en a pâti sur les épinards et les anémones... Bon tant pis c’est que ça doit se passer comme ça. On a foi en ce qu’on fait. Ça va venir... mais il y a des choses sur lesquelles on ne peut pas agir, c’est au-delà de nous... Quand on a la foi, on a autre approche. On n’est pas abattu dans ce qu’on fait, on a foi en qui on est, on a confiance en la terre qu’on travaille.
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